Clem -qui a toujours de bonnes idées- propose de livrer un peu de notre patrimoine familial. Je me rends compte que je me suis -une fois n'est pas coutume- laisser légèrement débordée. Hum...
Pêle mêle et comme ça vient:
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C'est dimanche soir, l'hiver demain il y a école: Riz au lait (avec la peau) et Fraggle Rock.
Retour de l'école, on est 4 à s'époumoner dans la voiture pour raconter notre journée.
Enjamber la chienne devant la porte de la cuisine pour s'attabler devant les goûters de compèt'. Petits et grands, un vrai repas à chaque fois.
Et c'est toujours le cas. Tout le monde s'y retrouve, s'époumone à nouveau.
Café, pain, beurre salé, compote chaude en automne et le beurre qui fond sur le pain... confitures, tartes, gâteaux au couleurs des saisons. Le lait qui déborde de la casserole.
C'est l'été, parfois je m'ennuie. Apprivoiser l'ennui. Regarder la pelouse brunir au fil des jours. Et puis les jours de pluie faire une cabane sous le bureau avec moults dépendances: chaises, couvertures, coussins.
L'hiver, réchauffer nos pieds dans le fourneau à bois, faire nos devoirs tous ensembles sur la grande table de la cuisine. Les livres d'exercices: Bled et ORTH , et le détesté 30 séquences.
Poucet et son ami l'écureuil, les Fisher Price et les Playmobil. Noël en pyjama.
Les galettes, les crêpes sur la bilig.
Repeindre la maison de toutes les couleurs.
Partir en vacances du jour au lendemain, mais pas souvent.
Faire les fous dans une charrette de colza, dans un tas de paille, parmi les porcelets, allez voir la naissance des veaux, le "flist" de lait dans la salle de traite, les bouses de vache à éviter et le bi-cross chromé de mon frère.
La rivière en bas de la route près de la petite maison abandonnée où mon père disait que 17 enfants avaient habités. Et la chapelle en haut de la côte. Et le passage secret supposé sous la pelouse.
La cuisine, toujours.
Gratin de choux fleur, tarte à la pâte sablée, cake, galette vénitienne, gâteau éponge, piano, timballe, tomates farcie, hachis parmentier, patates "krign", tête de veau.
Les cousins.
Les nuits sans dormir. Les parties de passe à 10, et de gamelle à la tombée de la nuit. Les poupées faites avec les fushias de mémé. Le bois de sureau dont on fait des sifflets avec du papier à cigarette et un élastique. La benne de maïs hoquetante et tous les petits enfants dedans. Le premier miel. Le premier jus de pomme quand on fait le cidre. Le pyjama du lapin qui vient d'être tué. Les "îlots sauvages" des grands cousins. La soupe aux boules.
Des dictons à la pelle:
"le ridicule ne tue pas"
"on, pronom indéfini qui se rapporte au con qui l'emploie"
"malheur de malheur ma petite sœur est tombée dans le beurre, j'ai voulu la rattraper elle est tombée dans le pâté!"
et les autres en bretons que je ne saurai pas écrire.
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Mon patrimoine familial c'est tous ces petits riens, ces recettes, ces ambiances et bien plus encore, mais surtout un sens aigu de la liberté, de la rareté des choses, du temps présent, du partage, de l'imagination et de l'audace... Une place pour chacun et la parole pour tous.
Mon enfance n'a pas été parfaite, je me suis souvent sentie différente mais combien elle a été merveilleuse. Et pour mon fils il est toujours merveilleux d'aller dans cette maison.
Un dernier dicton qui est mon préféré: "Quand on a pas de pétrole il faut des idées" .
Merci.